Les lésions du complexe fibrosarcome félin : Pronostic et suivi clinique

A. Le complexe fibrosarcome félin (FSK), qu'est ce que c'est ?

Le complexe FSK félin est un continuum lésionnel rencontré dans l’espèce féline dans lequel une lésion strictement inflammatoire (panniculite) se transforme en processus néoplasique (sarcome) à plus ou moins court terme.

Tout traumatisme et/ou inflammation du tissu adipeux sous-cutané (pannicule) est susceptible d’évoluer en panniculite puis en tumeur ; c’est pourquoi, chez le chat, chaque blessure (griffure, morsure, AVP, …) et tout acte médicochirurgical invasif (injection, sutures, …) devront être pris au sérieux et devront bénéficier d’un suivi clinique rapproché.

A1. Caractéristiques anatomopathologiques de l'inflammation appartenant au complexe FSK

La lésion inflammatoire du complexe FSK se caractérise histologiquement par une inflammation granulomateuse du pannicule ; ce dernier se voit dilacéré et remplacé par un infiltrat interstitiel et diffus de macrophages activés aboutissant à la formation d’une ou plusieurs nappes nodulaires de macrophages. Le contingent macrophagique est accompagné par un infiltrat plus ou moins abondant de lymphocytes et plasmocytes que l’on retrouve en périphérie des nappes macrophagiques ou en topographie périvasculaire. L’inflammation granulomateuse entraîne l’activation des fibroblastes du stroma qui prolifèrent au contact du contingent inflammatoire et au delà. Le stroma devient fibroplasique et/ou fibreux et/ou fibromateux en fonction du degré de synthèse de fibres de collagène et de l’activité nucléaire des fibroblastes.

A2. Caractéristiques anatomophatologiques des tumeurs appartenant au complexe FSK

Les tumeurs appartenant au FSK sont issues de la transformation sarcomateuse d’un ou plusieurs contingents cellulaires caractérisant la lésion inflammatoire du complexe FSK ; le plus souvent c’est le contingent fibroblastique qui devient tumoral : fibrosarcome appartenant au complexe FSK félin. Parfois, le contingent macrophagique et fibroblastique se tumorise en histiocytome fibreux malin ou en sarcome histiocytaire appartenant au complexe FSK félin. Le contingent lymphoïde peut aussi devenir tumoral : lymphome sous cutané appartenant au complexe FSK félin.

La prolifération tumorale du complexe FSK est systématiquement associée à un reliquat plus ou moins important de la lésion inflammatoire sous-jacente ; critère indispensable à la classification de cette tumeur dans la catégorie des tumeurs appartenant au complexe FSK félin. Quel que soit le contingent cellulaire qui se transforme, le pronostic reste grossièrement semblable.

A3. Caractéristiques cliniques des lésions appartenant au complexe FSK

Toute anomalie de forme et/ou de consistance d’un tissu situé en lieu et place d’un traumatisme récent ou ancien devra être considéré comme une possible lésion appartenant au complexe FSK félin. Il peut s’agir d’une induration tissulaire persistante ou l’apparition d’une lésion nodulaire indurée sur un site de traumatisme ou d’injection. Le pannicule adipeux sous-cutané est préférentiellement atteint mais les lésions appartenant au FSK félin sont susceptibles de se développer dans un muscle, l’oeil ou même le tissu adipeux mésentérique. Compte tenu des sites anatomiques couramment concernés par la vaccination, les lésions du FSK sont rencontrées très fréquemment en zone scapulaire et interscapulaire.

B. Diagnostic des lésions du complexe FSK Félin

Un examen cytopathologique permet dans la plupart des cas d’identifier une lésion du complexe FSK félin. Les étalements réalisés à partir de la cytoponction à l’aiguille fine de la lésion révèlera un fond de frottis inflammatoire (macrophages, lymphocytes et plasmocytes) en présence ou non d’un contingent cellulaire mésenchymateux atypique (transformation tumorale ou non). La cytoponction peut cependant avoir été pratiquée dans un site purement inflammatoire : la lésion du complexe FSK sera diagnostiquée mais pas sa transformation tumorale.

Examen cytologique en faveur d’une panniculite granulomateuse
Examen cytologique en faveur d’une panniculite granulomateuse
Examen cytologique en faveur d’un histiocytome fibreux malin, tumeur appartenant au complexe FSK félin
Examen cytologique en faveur d’un histiocytome fibreux malin, tumeur appartenant au complexe FSK félin

Un examen histopathologique par biopsies n’apportera que peu d’information supplémentaire par rapport à un examen cytopathologique puisque les biopsies peuvent également être réalisées dans un site purement inflammatoire et l’examen connaîtra donc les mêmes limites que le diagnostic cytologique. Par contre l’examen histopathologique de la lésion dans son intégralité permettra de poser le diagnostic complet : lésion du FSK avec ou non tansformation tumorale. De plus l’examen histopathologique de la pièce opératoire fournira des données pronostiques importantes telles que le caractère complet ou non de l’exérèse, le caractère bien ou mal délimité de la prolifération tumorale et la présence ou non de lésions inflammatoires persistantes, éparses, susceptibles de subir à nouveau une transformation tumorale à terme.

Panniculite granulomateuse appartenant au complexe FSK félin
Panniculite granulomateuse appartenant au complexe FSK félin
Panniculite granulomateuse appartenant au complexe FSK félin
Fibrosarcome appartenant au complexe FSK félin

Pronostic des lésions appartenant au complexe FSK

Lors de panniculites chroniques avec contingent granulomateux et fibroplasique appartenant aux lésions inflammatoires du complexe fibrosarcome félin, le pronostic devra être réservé en raison d’un risque de récidive locale et de transformation sarcomateuse à plus ou moins long terme en raison du continuum lésionnel connu de ce type de lésion.

Lors de tumeur (sarcome) appartenant au complexe FSK félin, le pronostic devra être réservé en raison de risques très importants de récidive locale après exérèse chirurgicale (tumeur localement très agressive) et de risques faibles mais réels de dissémination métastatique (dissémination métastatique par voie sanguine en principe). D’après « small animal clinical oncology », Withrow and Vail, 4e Ed, 2007, 12 à 26 % des cas développent des métastases à distance (temps médian d’apparition des métastases : 265 jours).

Conduite thérapeutique et suivi clinique des lésions appartenant au complexe FSK

Selon « small animal clinical oncology », Withrow and Vail, 4e Ed, 2007, il est recommandé, de prévoir une exérèse chirurgicale large (au moins 2 cm de marges latérales et profondes) pour toute masse apparue sur un site d’injection ou de traumatisme :

qui persiste 3 mois après la vaccination ou le traumatisme
dont la taille est > 2 cm de diamètre
dont la taille augmente encore 4 semaines après l’injection ou le traumatisme.
La lésion devra faire l’objet d’une analyse histopathologique afin de poser le diagnostic de lésion inflammatoire et/ou tumorale appartenant au complexe FSK félin.

En cas de lésion purement inflammatoire, une surveillance clinique rapprochée est conseillée afin de détecter toute évolution suspecte du site opératoire et de réaliser une réintervention chirurgicale large en cas d’apparition de nouvelles lésions.

En cas de lésion tumorale, bien que les risques de dissémination métastatique sont faibles, la réalisation d’un bilan d’extension est conseillé (clichés thoraciques) et, dans l’idéal, il devrait être renouvelé 1 an plus tard compte tenu du temps médian d’apparition des métastases qui est approximativement de 9 mois. Le traitement de choix consiste en une chirurgie d’exérèse large (au moins 2 cm de marges latérales et profondes) associée à une radiothérapie adjuvante (certaines cliniques vétérinaires proposent aujourd’hui des protocoles de radiothérapie adaptée à la médecine vétérinaire et en particulier à ce type de pathologie avec une hospitalisation de l’animal d’environ 1 semaine pour un coût approximatif de 600 – 800 euros). Selon « small animal clinical oncology », Withrow and Vail, 4e Ed, 2007, la radiothérapie lorsqu’elle est envisagée devrait débuter si possible dans les 14 jours après la chirurgie initiale car au-delà l’effet sur l’intervalle de temps sans maladie (ISM) diminue ; le temps médian avant première récidive est (i) de 79 jours lors d’exérèse limite, (ii) de plus de 325 jours lors d’exérèse large (iii) de 405 jours pour environ 40% des cas ayant bénéficier d’une radiothérapie post-chirurgicale, les autres 60% n’ayant pas présenté de récidive. En ce qui concerne la chimiothérapie systémique à base de doxorubicine, son intérêt est controversé selon les études.

Un contrôle régulier est préconisé sur une période d’environ 2 ans. Une exérèse précoce et d’emblée la plus large possible devra être envisagée en cas de récidive, sachant qu’à chaque récidive le pronostic s’assombrit et le potentiel agressif et récidivant de la tumeur augmente.